Les mots 中法对照


翻译来自沈志明


En Alsace, aux environs de 1850, un instituteur accablé d’enfants consentit à se faire épicier. Ce défroqué voulut une compensation: puisqu’il renonçait à former les esprits, un de ses fils formerait les âmes; il y aurait un pasteur dans la famille, ce serait Charles. Charles se déroba, préféra courir les routes sur la trace d’une écuyère. On retourna son portrait contre le mur et fit défense de prononcer son nom. A qui le tour? Auguste se hâta d’imiter le sacrifice paternel: il entra dans le négoce et s’en trouva bien. Restait Louis, qui n’avait pas de prédisposition marquée: le père s’empara de ce garçon tranquille et le fit pasteur en un tournemain. Plus tard Louis poussa l’obéissance jusqu’à engendrer à son tour un pasteur, Albert Schweitzer, dont on sait la carrière.

 一八五○年左右,阿尔萨斯的一位小学教师为孩子所拖累,降尊纡贵改当食品杂货商。这个脱雅还俗的人巴望有一个补 偿:既然他已放弃造就人才的事业,那就应当有个儿子从事塑造灵魂的工作:家里要出一个牧师。这件事落到夏尔头上。夏尔不干,甘愿背井离乡去追寻一个马戏团 的女骑手。于是夏尔的画像在墙上被翻了个儿,从此不许提起他的名字。该轮到谁呢?奥古斯特赶紧学父亲的样,献身于商业,并对此感到心满意足。只剩下路易 了,正好路易没有什么突出的天赋,父亲便抓住这个沉静的小伙子,转眼间让他当上了牧师。路易谨遵父命,竟至也亲自培育了一个牧师——阿尔贝·施韦泽,他的 生涯我们都是知道的。

Cependant, Charles n’avait pas retrouvé son écuyère; le beau geste du père l’avait marqué: il garda toute sa vie le goût du sublime et mit son zèle à fabriquer de grandes circonstances avec de petits événements. Il ne songeait pas, comme on voit, à éluder la vocation familiale: il souhaitait se vouer à une forme atténuée de spiritualité, à un sacerdoce qui lui permît les écuyères. Le professorat fit l’affaire: Charles choisit d’enseigner l’allemand. Il soutint une thèse sur Hans Sachs, opta pour la méthode directe dont il se dit
plus tard l’inventeur, publia, avec la collaboration de M. Simonnot, un Deutsches Lesebuch estimé, fit une carrière rapide: Mâcon, Lyon, Paris. A Paris, pour la distribution des prix, il prononça un discours qui eut les honneurs d’un tirage à part: « Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs, mes chers enfants, vous ne devineriez jamais de quoi je vais vous parler aujourd’hui! De la musique! » Il excellait dans les vers de circonstance. Il avait coutume de dire aux réunions de famille: « Louis est le plus pieux, Auguste le plus riche; moi je suis le plus intelligent. » Les frères riaient, les belles-sœurs pinçaient les lèvres

  然而,夏尔没有找到他那位马戏女郎,而且父亲的高雅给他留下了印记:他毕生追求高尚情趣,醉心于把芝麻大的 事搞得轰轰烈烈。看得出,他并不是不想光宗耀祖,只是想从事一项轻松的修行,既神圣又能跟马戏女郎厮混。教书这一行倒能两全其美,于是夏尔决定教德语。他 写过一篇论述汉斯·萨哈斯的学位论文。选用了直接教学法,后来他自称是直接教学法的创始人,与西蒙诺合作出版了《德语课本》,备受称赞。从此一帆风顺,连 连晋升:马孔,里昂,巴黎。在巴黎的一次发奖仪式上,他作了演讲,讲稿还很荣耀地专门印发给大家:“部长先生,各位女士,各位先生,我亲爱的孩子们,你们 怎么也猜不着我今天要给你们讲什么,我要讲音乐!”他还擅长即兴吟诗。家里人聚在一起的时候,他常说:“路易最虔诚,奥古斯特最有钱,而我最聪明。”兄弟 们听了哈哈大笑,妯娌们听了直抿嘴巴。

A Mâcon, Charles Schweitzer avait épousé Louise Guillemin, fille d’un avoué catholique. Elle détesta son voyage de noces: il l’avait enlevée avant la fin du repas et jetée dans un train. A soixante-dix ans, Louise parlait encore de la salade de poireaux qu’on leur avait servie dans un buffet de gare: « Il prenait tout le blanc et me laissait le vert. » Ils passèrent quinze jours en Alsace sans quitter la table; les frères se racontaient en patois des histoires scatologiques; de temps en temps, le pasteur se tournait vers Louise et les lui traduisait, par charité chrétienne. Elle ne tarda pas à se faire délivrer des certificats de complaisance qui la dispensèrent du commerce conjugal et lui donnèrent le droit de faire chambre à part; elle parlait de ses migraines, prit l’habitude de s’aliter, se mit à détester le bruit, la passion, les enthousiasmes, toute la grosse vie fruste et théâtrale des Schweitzer. Cette femme vive et malicieuse mais froide pensait droit et mal, parce que son mari pensait bien et de travers; parce qu’il était menteur et crédule, elle doutait de tout: « Ils prétendent que la terre tourne; qu’est-ce qu’ils en savent? » Entourée de vertueux comédiens, elle avait pris en haine la comédie et la vertu. Cette réaliste si fine, égarée dans une famille de spiritualistes grossiers se fit voltairienne par défi sans avoir lu Voltaire. Mignonne et replète, cynique, enjouée, elle devint la négation pure; d’un haussement de sourcils, d’un imperceptible sourire, elle réduisait en poudre toutes les grandes attitudes, pour elle-même et sans que personne s’en aperçût. Son orgueil négatif et son égoïsme de refus la dévorèrent. Elle ne voyait personne, ayant trop de fierté pour briguer la première place, trop de vanité pour se contenter de la seconde. « Sachez, disait-elle, vous laisser désirer. » On la désira beaucoup, puis de moins en moins, et, faute de la voir, on finit par l’oublier. Elle ne quitta plus guère son fauteuil ou son lit.
  夏尔·施韦泽在马孔娶了路易丝·吉尔明,一个信天主教的诉讼代理人的女儿。她对新婚旅行一 直耿耿于怀:丈夫没等她吃完饭便把她拽走塞进火车。到了古稀之年,路易丝还讲起在车站餐厅吃韭葱冷盘的事:“他把葱白全吃了,只把葱叶留给我。”他们在阿 尔萨斯待了两个星期,始终围着餐桌转。兄弟们用土语讲些不堪入耳的与排泄物有关的故事。牧师路易不时转过身来给路易丝翻译几句,算是基督教徒的施舍吧。没 过多久,她便从医生那里获得了通融证明,从而免去了同房的义务,可以单独住一间房。她老嚷嚷偏头痛,常常躺在床上不起来,开始讨厌噪声、情欲、热情,总之 讨厌施韦泽一家粗俗不堪和演戏似的生活。这个易怒的、狡黠的女人总是冷冰冰的。她的想法正经,但不高明。她的丈夫想法不正,但有巧思。因为她丈夫爱骗人而 且轻信,所以她对什么都怀疑:“他们硬说地球是转动的,他们懂得啥?”她周围净是一些道貌岸然的喜剧演员,因此她憎恨德行和做戏。这个注重实际的女人十分 敏感,她生活在粗野的唯灵论者的家庭,感到茫然不知所措,于是笃信起伏尔泰的宗教怀疑思想,以示对抗,尽管她并没有读过伏尔泰的书。她娇滴滴,胖乎乎,活 泼诙谐,但愤世嫉俗,绝对否定一切;她双眉一拱,隐隐一笑,就把别人向她表示的一切热情化为齑粉,而不为人所察觉。否定一切的狷傲和拒绝一切的自私占据了 她的整个身心。她不见任何人。占先坐上手吧,未免太过分;将就坐下手吧,虚荣又使她不甘心。她说过:“要善于让别人有求于你。”起先人家确实有求于她,但 后来对她越来越淡漠,由于老见不着她,到头来干脆把她忘了。她几乎身不离安乐椅或卧床。

Naturalistes et puritains — cette combinaison de vertus est moins rare qu’on ne pense — les Schweitzer aimaient les mots crus qui, tout en rabaissant très chrétiennement le corps, manifestaient leur large consentement aux fonctions naturelles; Louise aimait les mots couverts. Elle lisait beaucoup de romans lestes dont elle appréciait moins l’intrigue que les voiles transparents qui l’enveloppaient: « C’est osé, c’est bien écrit, disait-elle d’un air délicat. Glissez, mortels, n’appuyez pas! » Cette femme de neige pensa mourir de rire en lisant La Fille de feu d’Adolphe Belot. Elle se plaisait à raconter des histoires de nuits de noces qui finissaient toujours mal: tantôt le mari, dans sa hâte brutale, rompait le cou de sa femme contre le
bois du lit et tantôt, c’était la jeune épousée qu’on retrouvait, au matin, réfugiée sur l’armoire, nue et folle. Louise vivait dans le demi-jour; Charles entrait chez elle, repoussait les persiennes, allumait toutes les lampes, elle gémissait en portant la main à ses yeux: « Charles! tu m’éblouis! » Mais ses résistances ne dépassaient pas les limites d’une opposition constitutionnelle: Charles lui inspirait de la crainte, un prodigieux agacement, parfois aussi de l’amitié, pourvu qu’il ne la touchât pas. Elle lui cédait sur tout dès qu’il se mettait à crier. Il lui fit quatre enfants par surprise: une fille qui mourut en bas âge, deux garçons, une autre fille.
  施韦泽一家既是自然主义者又是新教徒。这 两大美德兼而有之,并非如人们想像的那么罕见。他们讲话喜欢直言不讳,一方面以地道的基督教徒方式贬低躯体,另一方面欣然赞同对生理机能应予满足;而路易 丝却喜欢闪烁其词。她念过许多猥亵的小说,不太欣赏男女私情,却赞赏裹着男女私情的层层透明薄纱。她美滋滋地说:“这才是大胆设想,妙不可言!做人嘛,要 悠着点儿,别太使劲儿!”这个纯洁得像白雪的女人在读阿道尔夫·贝洛写的《火姑娘》时,险些儿没笑死过去。她津津乐道地大讲新婚之夜的逸事,大凡以不幸告 终:不是新郎急不可待想成其好事,把妻子磕在床架上折断脖子,就是新娘不见了,第二天清晨发现她光着身子,疯疯癫癫地躲在柜子顶上。路易丝把自己关在半明 半暗的房间里。夏尔一进屋,便推开百叶窗,把所有的灯全点亮。她用手捂着眼睛,呻吟道:“夏尔,多刺眼呀!”可是她的反抗决不超过约定俗成的限度:夏尔使 她胆战心惊,给她带来奇妙的不舒适,有时也感受到友情,反正只要夏尔不碰她就行。但要是夏尔一嚷嚷,她就什么都让步了。夏尔使她出其不意地生了四个孩子: 第一胎是女儿,生下不久就夭折了,然后是两个男孩,最后一个是女孩。

Par indifférence ou par respect, il avait permis qu’on les élevât dans la religion catholique. Incroyante, Louise les fit croyants par dégoût du protestantisme. Les deux garçons prirent le parti de leur mère; elle les éloigna doucement de ce père volumineux; Charles ne s’en aperçut même pas. L’aîné, Georges, entra à Polytechnique; le second, Émile, devint professeur d’allemand. Il m’intrigue: je sais qu’il est resté célibataire mais qu’il imitait son père en tout, bien qu’il ne l’aimât pas. Père et fils finirent par se brouiller; il y eut des réconciliations mémorables. Émile cachait sa vie; il adorait sa mère et, jusqu’à la fin, il garda l’habitude de lui faire, sans prévenir, des visites clandestines; il la couvrait de baisers et de caresses puis se mettait à parler du père, d’abord ironiquement puis avec rage et la quittait en claquant la porte. Elle l’aimait, je crois, mais il lui faisait peur: ces deux hommes rudes et difficiles la fatiguaient et elle leur préférait Georges qui n’était

jamais là. Émile mourut en 1927, fou de solitude: sous son oreiller, on trouva un revolver; cent paires de chaussettes trouées, vingt paires de souliers éculés dans ses malles.

  夏尔出于对宗教的冷漠,或出于对神的崇敬,同意让孩子们受天 主教的熏陶。路易丝并不真信教,但因为她讨厌耶稣教,所以让孩子们信天主教算了。两个男孩都向着母亲,她悄悄使他们疏远身宽体胖的父亲,夏尔却毫无察觉。 老大乔治进了巴黎综合理工学院,老二爱弥尔当了德语教员。爱弥尔的行径有点蹊跷:我知道他一直打光棍,尽管他不喜欢父亲,却处处学父亲的样。父子动辄闹 翻,但也有几次使人难忘的和好。爱弥尔神出鬼没,他非常喜欢母亲,一直到死,常常偷偷来看望她,事先并不打招呼。他对母亲又是亲吻,又是爱抚;讲起父亲, 先是冷嘲热讽,然后越讲越生气,最后大发雷霆,砰的一声关上门离开母亲扬长而去。我想,路易丝很喜欢爱弥尔,但爱弥尔使她心惊肉跳。这两个粗暴而难处的男 人使她头昏脑涨,所以她更喜欢乔治,可惜他老不在身边。爱弥尔一九二七年孤独悒郁而死。在他的枕头底下,发现一把手枪,箱子里塞着一百双破袜子,二十双断 跟皮鞋。
Anne-Marie, la fille cadette, passa son enfance sur une chaise. On lui apprit à s’ennuyer, à se tenir droite, à coudre. Elle avait des dons: on crut distingué de les laisser en friche; de l’éclat: on prit soin de le lui cacher. Ces bourgeois modestes et fiers jugeaient la beauté au- dessus de leurs moyens ou au-dessous de leur condition; ils la permettaient aux marquises et aux putains. Louise avait l’orgueil le plus aride: de peur d’être dupe elle niait chez ses enfants, chez son mari, chez elle-même les qualités les plus évidentes; Charles ne savait pas reconnaître la beauté chez les autres: il la confondait avec la santé: depuis la maladie de sa femme, il se consolait avec de fortes idéalistes, moustachues et colorées, qui se portaient bien. Cinquante ans plus tard, en feuilletant un album de famille, Anne-Marie s’aperçut qu’elle avait été belle.

小女儿安娜—玛丽的童年是在一张椅子上度过的。父母教她学会无所事事,学会坐正立直、 缝缝缀缀。她颇有天赋,但父母让她的天赋荒废掉以显示其高雅;她颇为 艳丽,但父母小心翼翼地把她的姿色掩盖起来。这等高傲的小康人家对美的判断可谓高不成,低不就,比他们富裕的或比他们条件差的都可以显示美:他们认为美是 属于侯爵夫人和娼妓的。路易丝高傲到了缺乏任何想像力的程度,由于害怕上当受骗,干脆把她孩子、她丈夫、她自己身上最明显的优点否定得一干二净。夏尔则根 本不善于察看别人的美,他把美貌和健康混为一谈。自从妻子病了之后,他便与一些想入非非、长胡须、浓妆艳抹的女人来往;只要她们身体健壮,他都可以得到安 慰。五十年之后,安娜—玛丽翻开家里的照相簿,突然发现她曾经是很美丽的。

A peu près vers le même temps que Charles Schweitzer rencontrait Louise Guillemin, un médecin de campagne épousa la fille d’un riche propriétaire périgourdin et s’installa avec elle dans la triste grand-rue de Thiviers, en face du pharmacien. Au lendemain du mariage, on découvrit que le beau-père n’avait pas le sou. Outré, le docteur Sartre resta quarante ans sans adresser la parole à sa femme; à table, il s’exprimait par signes, elle finit par l’appeler « mon pensionnaire ». Il partageait son lit, pourtant, et, de temps à autre, sans un

mot, l’engrossait: elle lui donna deux fils et une fille; ces enfants du silence s’appelèrent Jean-Baptiste, Joseph et Hélène. Hélène épousa sur le tard un officier de cavalerie qui devint fou; Joseph fit son service dans les zouaves et se retira de bonne heure chez ses parents. Il n’avait pas de métier: pris entre le mutisme de l’un et les criailleries de l’autre, il devint bègue et passa sa vie à se battre contre les mots. Jean-Baptiste voulut préparer Navale, pour voir la mer. En 1904, à Cherbourg, officier de marine et déjà rongé par les fièvres de Cochinchine, il fit la connaissance d’Anne-Marie Schweitzer, s’empara de cette grande fille délaissée, l’épousa, lui fit un enfant au galop, moi, et tenta de se réfugier dans la mort.

  差不多就在夏尔·施韦泽与路易丝·吉尔明结婚的同时, 一个乡村医生娶了佩里戈的一位大财主的女儿,在凄凉的梯维埃大街的药房对面安家落户。新婚的第二天,萨特大夫突然发现岳父原来身无分文,一气之下,四十年 没跟妻子说话。在饭桌上,他以手势和动作表达思想,妻子管他叫“我的寄宿生”。不过他跟妻子仍旧同睡一张床,往往间隔一段时间,闷声不响地让她鼓一次肚 子:她给他生下两男一女。悄悄生下的这三个孩子名叫让—巴蒂斯特、若瑟夫和埃莱娜。埃莱娜很晚才出嫁,嫁给一个骑兵军官,这位军官后来得了疯病。若瑟夫在 轻骑兵服役,但很快就退伍寄居在父母家。他没有职业。父亲沉默寡言,母亲乱叫乱嚷,他在两面夹攻之下变得口吃了,从此一生吐词困难。让—巴蒂斯特早想进海 军军官学校,为的是要看大海。他当上海军军官后,在交趾支那得了疟疾,病得力竭体衰。一九○四年他在瑟堡结识了安娜—玛丽·施韦泽,征服了这个没有人要的 高个儿姑娘,娶她为妻,并飞快地让她生下一个孩子,这就是我。从此他便想到死神那里求一个栖身之地。

Mourir n’est pas facile: la fièvre intestinale montait sans hâte, il y eut des rémissions. Anne-Marie le soignait avec dévouement, mais sans pousser l’indécence jusqu’à l’aimer. Louise l’avait prévenue contre la vie conjugale: après des noces de sang, c’était une suite infinie de sacrifices, coupée de trivialités nocturnes. A l’exemple de sa mère, ma mère préféra le devoir au plaisir. Elle n’avait pas beaucoup connu mon père, ni avant ni après le mariage, et devait parfois se demander pourquoi cet étranger avait choisi de mourir entre ses bras. On le transporta dans une métairie à quelques lieues de Thiviers; son père venait le visiter chaque jour en carriole. Les veilles et les soucis épuisèrent Anne-Marie, son lait tarit, on me mit en nourrice non loin de là et je m’appliquai, moi aussi, à mourir: d’entérite et peut-être de ressentiment. A vingt

ans, sans expérience ni conseils, ma mère se déchirait entre deux moribonds inconnus; son mariage de raison trouvait sa vérité dans la maladie et le deuil. Moi, je profitais de la situation: à l’époque, les mères nourrissaient elles-mêmes et longtemps; sans la chance de cette double agonie, j’eusse été exposé aux difficultés d’un sevrage tardif. Malade, sevré par la force à neuf mois, la fièvre et l’abrutissement m’empêchèrent de sentir le dernier coup de ciseaux qui tranche les liens de la mère et de l’enfant; je plongeai dans un monde confus, peuplé d’hallucinations simples et de frustes idoles. A la mort de mon père, Anne-Marie et moi, nous nous réveillâmes d’un cauchemar commun; je guéris. Mais nous étions victimes d’un malentendu: elle retrouvait avec amour un fils qu’elle n’avait jamais quitté vraiment; je reprenais connaissance sur les genoux d’une étrangère.

  但死并不容易,内热时退时 起,病情时好时坏。安娜—玛丽忠心耿耿地照料他,既不失夫妻情分,也谈不上爱他。路易丝早就告诫过她要提防房事:新婚出血之后,便是无休无止的牺牲,以及 忍受夜间的猥亵。我的母亲效法她的母亲:只尽义务,不求欢快。她不怎么了解我父亲,结婚前和结婚后一样的不了解,以致不免有时寻思为什么这个陌生人决意死 在她怀里。家人把他转移到离梯维埃几法里外的一座农庄里,他父亲每天坐着小篷车去看他。安娜—玛丽日夜忧心忡忡地看护病人,累得精疲力竭,她的奶水枯了, 于是把我送到不远的地方一个奶妈处寄养。我一心一意地等死,因为闹肠炎,或许因为抱恨含冤。我母亲时年二十岁,既无经验,又无人指点,在两个奄奄一息的陌 生人之间疲于奔命。疾病和服丧使她尝到了出于利害关系而结婚的滋味儿。我却从中得到了好处:那时候做母亲的自己哺育,而且喂奶的时间很长。要不是我们父子 同时病危,我说不定会因断奶晚而遭受磨难。由于生病,我不得不九个月就被强行断奶,发烧以及发烧所引起的迟钝反倒使我对联系母子的脐带突然剪断毫无感觉。 我投入了混沌的世界,这个世界充满了单纯的幻景和原始的偶像。我父亲一死,安娜—玛丽和我,我们突然从共同的噩梦中苏醒过来。我的病好了,而我们母子之间 却产生了一桩误会:她带着母爱重新养育她从未真正离开过的儿子,而我却在一个陌生女人的膝盖上重新认识了母亲。

Sans argent ni métier, Anne-Marie décida de retourner vivre chez ses parents. Mais l’insolent trépas de mon père avait désobligé les Schweitzer: il ressemblait trop à une répudiation. Pour n’avoir su ni le prévoir ni le prévenir, ma mère fut réputée coupable: elle avait pris, à l’étourdie, un mari qui n’avait pas fait d’usage. Pour la longue Ariane qui revint à Meudon, avec un enfant dans les bras, tout le monde fut parfait: mon grand-père avait demandé sa retraite, il reprit du service sans un mot de reproche; ma grand-mère, elle- même, eut le triomphe discret. Mais Anne-Marie, glacée de reconnaissance, devinait le blâme sous les bons procédés: les familles, bien sûr, préfèrent les veuves aux

filles mères, mais c’est de justesse. Pour obtenir son pardon, elle se dépensa sans compter, tint la maison de ses parents, à Meudon puis à Paris, se fit gouvernante, infirmière, majordome, dame de compagnie, servante, sans pouvoir désarmer l’agacement muet de sa mère. Louise trouvait fastidieux de faire le menu tous les matins et les comptes tous les soirs mais elle supportait mal qu’on les fît à sa place; elle se laissait décharger de ses obligations en s’irritant de perdre ses prérogatives. Cette femme vieillissante et cynique n’avait qu’une illusion; elle se croyait indispensable. L’illusion s’évanouit: Louise se mit à jalouser sa fille. Pauvre Anne-Marie: passive, on l’eût accusée d’être une charge; active, on la soupçonnait de vouloir régenter la maison. Pour éviter le premier écueil, elle eut besoin de tout son courage, pour éviter le second, de toute son humilité. Il ne fallut pas longtemps pour que la jeune veuve redevînt mineure: une vierge avec tache. On ne lui refusait pas l’argent de poche: on oubliait de lui en donner; elle usa sa garde-robe jusqu’à la trame sans que mon grand-père s’avisât de la renouveler. A peine tolérait-on qu’elle sortît seule. Lorsque ses anciennes amies, mariées pour la plupart, l’invitaient à dîner, il fallait solliciter la permission longtemps à l’avance et promettre qu’on la ramènerait avant dix heures. Au milieu du repas, le maître de maison se levait de table pour la reconduire en voiture. Pendant ce temps, en chemise de nuit, mon grand-père arpentait sa chambre à coucher, montre en main. Sur le dernier coup de dix heures, il tonnait. Les invitations se firent plus rares et ma mère se dégoûta de plaisirs si coûteux.

  安娜—玛丽既无金 钱又无职业,决定回娘家生活。但我父亲毫无道理的弃世使施韦泽一家愤愤不平:他简直像是休妻。母亲因为缺乏先见之明,又没有早做准备,被认为咎由自取,谁 让她懵懵懂懂地嫁给一个不耐久的丈夫呢。但对待细高个儿阿丽亚娜怀里揣着孩子回到默东,家里人的态度倒都是无可指责的。我外祖父已经退休,这时他复职就 业,并没有一声怨言;我外祖母,虽然得意,但并不喜形于色。安娜—玛丽虽然感激涕零,但在好意相待中猜测到责难。无疑人们情愿接纳寡妇,而不喜欢做母亲的 姑娘,但实际上也相差无几。为了得到宽恕,她不遗余力地埋头苦干,操持娘家的家务,先在默东后在巴黎,一概如此。她身兼数职:女管家,女护士,膳食总管, 太太陪房,女佣人,但依然抵消不了她母亲无声的怒气。路易丝每天早上排菜谱,晚上结菜账,感到枯燥乏味,但又不容别人替她效劳。她要别人分担她的义务,但 又为失去特权而恼火。这个日见衰老而愤世嫉俗的女人有一种自欺欺人的幻觉:她自以为是不可缺少的。幻觉一旦消失,路易丝便嫉妒起女儿来了。可怜的安娜—玛 丽,要是消极被动,就说她是一个包袱;要是积极主动,就说她有意掌管门庭。为了绕过第一道暗礁,她必须鼓足全部勇气;为了躲过第二道障碍,她必须含垢忍 辱。没有多久,年轻的寡妇重新降为未成年的姑娘:一个带有污点的处女。父母不拒绝给她零花钱,只是老忘了给她;她的行头已经磨损得露线了,我外祖父也顾不 上给她制新的。父母几乎不容她独自外出。她的旧友大部分已经结婚了,每当她们邀请她吃晚饭,她必须事先早早儿请求许可并保证十点前有专人把她送回来。这样 晚饭吃到一半,主人就得起身离开桌子把她护送到车上。就在这时候,我外祖父穿着睡衣,手上拿着表,在房间里踱来踱去。如果钟打十下,不见女儿回来,他便大 发雷霆。邀请日见稀少了,再说我母亲也嫌这样的乐事太花钱。